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Aude et ses Rabat-livernes
23 juin 2014

Travailler, c'est trop dur

On me demande souvent "Alors, comment ça se passe quand on travaille au Maroc ? Pourquoi tu n'écris pas d'article sur le sujet ?" La première raison, c'est que si je racontais tout ce que je vois, je risquerais de me faire virer ;-) La seconde, c'est que le temps me manquait... mais maintenant que je suis en vacances, avant d'enchaîner sur le congé maternité, je m'y mets !

Travailler au Maroc, c'est tout d'abord apprendre à avoir un autre rapport au temps, c'est savoir prendre le temps. Cela commence dès le matin pour dire bonjour : oubliez les habitudes parisiennes, un petit salut de loin ou à la rigueur quelques bises aux collègues les plus proches. Ici, non : on va voir chaque personne individuellement, bise pour les femmes, poignée de main pour les hommes, avec pour chacun le questionnement rituel :
- Ça va ?
- Ça va, et toi ça va ?
- Ça va, toi ça va ? Les enfants ça va ?
- Ça va, et toi la famille, ça va ?
Puis on s'adapte : le lundi "Ça va, le week-end s'est bien passé ?" ou le vendredi "Ça va, pas trop fatigué ?" ou les femmes enceintes "Ca va, ça pousse ?" etc etc, déclinable à l'infini.
Et on recommence avec le collègue suivant ! Ensuite, on va prendre un petit café pour se remettre de ses émotions :-)

Travailler au Maroc, donc, c'est prendre son temps et essayer d'oublier qu'un jour on a été obsédé par les horaires et la réactivité. L'un de mes collègues, chargé de la gestion du mobilier, me fit livrer tout fier une étagère dans mon bureau... à peine environ 6 mois après mon arrivée. Je le remerciais avec un petit sourire en coin et il eut cette phrase magnifique : "En tout cas, ça n'a pas été trop long !"

Les réunions sont rarement planifiées - à moins que le concept "C'est bon, t'es disponible ? On fait une réunion maintenant" puisse être assimilé à de la planification. Quand par hasard un rendez-vous est prévu à l'avance, l'avantage c'est qu'on peut arriver avec 30 minutes de retard et être quand même là avant les autres :-)

Travailler au Maroc, c'est comme travailler partout ailleurs : on passe beaucoup de temps à se plaindre et parfois, dans un éclair de lucidité, on prend conscience qu'on voit ça de sa fenêtre... Dire qu'avant, je devais me contenter du périphérique parisien !

photo


Quant à mes voisins, ou plutôt mes voisines les cigognes, elles sont bruyantes mais on leur pardonne :

image


Travailler au Maroc, c'est bien sûr avoir l'occasion de côtoyer des Marocains - des vrais ! - et d'être régulièrement surprise par la gentillesse des gens. Sans vouloir faire de généralités, ce sont souvent les plus humbles qui font preuve de la plus grande générosité. Comme l'une des femmes de ménage, à qui je parlais de ma poule (comment est-ce venu dans la conversation ??) et de mon besoin de lui acheter des graines, et qui me rapporta le lendemain un sac qu'elle avait acheté exprès au marché près de chez elle. Le tout en refusant bien sûr le moindre dédommagement de ma part.
Sans parler de tous ceux qui, une fois mis au courant de ma grossesse, entreprennent de me gaver consciencieusement de diverses pâtisseries, fruits secs, tajines, etc :
- Aude, tu as mangé ?
- Euh, oui, vu qu'il est 15h...
- Viens, goûte ce tajine !  C'est ma mère qui l'a fait exprès pour toi.
Impossible de refuser, ce serait synonyme d'offense... Alors je me dévoue, ah là là c'est pas facile ! Et je me régale, en expliquant que oui, j'accoucherai à Rabat et que non, il est peu probable que mon fils (car bien sûr, ce sera un fils, même si je m'évertue à expliquer que nous ne voulons pas savoir le sexe) s'appellera Mohammed ou Aziz.

Travailler au Maroc, c'est pouvoir déjeuner avec ses collègues et être très régulièrement surprise par des choses qui leur semblent totalement évidentes. Par exemple : "Ah tu habites chez tes parents ? A 35 ans tout en étant mariée avec deux enfants ? Et ton frère et sa famille aussi ? Ah bon... En France ? Non, ce n'est pas vraiment la norme..." (j'en entends certains qui poussent des soupirs de soulagement ! Tsss, les valeurs familiales se sont perdues).

Travailler au Maroc, c'est aussi parfois entendre des excuses abracadabrantes pour expliquer un retard ou une absence de réponse : parents ou enfants malades (mais c'est la 4ème fois qu'il se casse la jambe ce mois-ci !), accidents de voiture en tout genre, hospitalisations diverses de membres de la famille au 8ème degré... On voudrait juste dire "Dis-moi simplement que tu as oublié !", au lieu de quoi on sourit intérieurement en présentant ses meilleurs voeux de rétablissement.

Travailler au Maroc, c'est aussi apprendre à gérer une certaine fierté chez ses collègues et le refus de dire qu'on ne sait pas. Il faut devenir professionnel dans la détection de la moue qui signifie "Je ne sais pas, mais je vais quand même dire quelque chose, et ce sera très probablement une connerie". Il faut alors acquiescer et aller demander (discrètement) au voisin... qui dira l'inverse avec la même moue. Au bout du compte, c'est un peu comme de vivre au quotidien l'énigme des deux bédouins dans le désert. Vous ne la connaissez pas ? En résumé, ça donne : "Je suis perdu dans le désert et je cherche une oasis. J'arrive devant deux pistes, l'une va vers l'oasis, l'autre vers une mort certaine. Au croisement, il y a deux bédouins : l'un dit toujours la vérité, l'autre ment toujours - mais bien sûr on ne sait pas qui est menteur et qui est honnête. Je n'ai droit de leur poser qu'une seule question (en tout) : laquelle me permettra de trouver mon chemin ?"

Sur cette énigme, je vous laisse méditer... et je m'en retourne profiter de mes vacances :-)

A bientôt !

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Commentaires
N
héhéhé !
P
Gasp.... Suis pas certain que je m'épanouirais au boulot dans ces conditions ;-)<br /> <br /> <br /> <br /> Pour l'énigme, il y a de multiples versions... et donc de multiples réponses justes...<br /> <br /> La plus simple est de, bien entendu, demander à un bédouin ce que l'autre répondrait ! Je vous laisse méditer sur une autre possibilité ;-)<br /> <br /> <br /> <br /> Bise amicale
A
Mmm...elle vient d'où cette énigme ?
Aude et ses Rabat-livernes
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